Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/17

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Palais-Royal tous les dictateurs de l’opinion. Le premier club de France se tenait ainsi dans les appartements mêmes du premier prince du sang. La littérature voilait au dehors ces conciliabules, comme la folie du premier Brutus voilait sa vengeance. Le duc n’était peut-être pas un conspirateur, mais il y eut dès lors un parti d’Orléans. Sieyès, l’oracle mystérieux de la Révolution, qui semblait la porter dans son front pensif et la couver dans son silence ; le duc de Lauzun, passant des confidences de Trianon aux conciliabules du Palais-Royal ; Laclos, jeune officier d’artillerie, auteur d’un roman obscène, capable au besoin d’élever l’intrigue romanesque jusqu’à la conjuration politique ; Sillery, aigri contre sa caste, irréconciliable avec la cour, ambitieux mécontent, n’attendant plus rien que de l’inconnu ; d’autres hommes, enfin, plus obscurs, mais non moins actifs, et servant d’échelons invisibles pour descendre des salons d’un prince dans les profondeurs du peuple ; les uns la tête, les autres les bras de l’ambition du duc, se donnaient rendez-vous dans ces conseils. On ne se marquait sans doute pas le but, mais on se plaçait sur la pente et l’on se laissait aller à sa fortune. La fortune, c’était une révolution. Le merveilleux, ce prestige des masses, qui est à l’imagination ce que le calcul est à la raison, ne manquait pas même au parti d’Orléans. Des prophéties, ces pressentiments populaires de la destinée ; des prodiges domestiques, admis par la crédulité intéressée des nombreux clients de cette maison, annonçaient le trône prochain à un de ses princes. Ces bruits couraient dans le peuple, ou d’eux-mêmes, ou par l’habile insinuation des partisans de la maison d’Orléans. À la convocation des états généraux, le duc n’avait pas hésité à se prononcer pour les réformes les plus populaires ; les in-