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nesse. Il s’attacha à mon mari. Nous le vîmes davantage après notre sortie du ministère. Ce fut alors que, raisonnant du mauvais état des choses et de la crainte du triomphe du despotisme dans le nord de la France, nous formions le projet d’une république dans le Midi. « Ce sera notre pis aller, me disait en souriant Barbaroux ; mais les Marseillais arrivés ici nous dispenseront d’y recourir. »


VII

Roland logeait alors dans une maison sombre de la rue Saint-Jacques, presque sous les toits : c’était la retraite d’un philosophe ; sa femme l’éclairait. Présente à toutes les conversations de Roland, elle assistait aux conférences de son mari et du jeune Marseillais. Barbaroux raconte ainsi la scène dans laquelle naquit entre eux la première idée de la république. « Cette femme étonnante était là, dit-il ; Roland me demanda ce que je pensais des moyens de sauver la France. Je lui ouvris mon cœur. Mes confidences appelèrent les siennes. « La liberté est perdue, dit-il, si l’on ne déjoue au plus tôt les complots de la cour. La Fayette médite la trahison au Nord. L’armée du centre est systématiquement désorganisée. Dans six semaines les Autrichiens seront à Paris. N’avons-nous donc travaillé à la plus belle des révolutions pendant tant d’années que pour la voir renverser en un seul jour ! Si la liberté meurt en France, elle est à jamais perdue pour le reste du monde.