Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusque dans Lille, est massacré en arrivant par ses propres soldats. Son colonel de génie Berthois tombe à côté de son général, sous les baïonnettes des lâches qui l’ont abandonné. Les cadavres de ces deux victimes de la peur sont pendus sur la place d’armes, et livrés ensuite par les séditieux aux insultes de la populace de Lille, qui traîne leurs corps mutilés dans les rues. Ainsi commencèrent par la honte et le crime ces guerres de la Révolution qui devaient enfanter pendant vingt ans tant d’héroïsme et tant de vertu militaire. L’anarchie avait pénétré dans les camps : l’honneur n’y était plus ; le patriotisme n’y était pas encore. L’ordre et l’honneur sont les deux nécessités de l’armée. Dans l’anarchie, il y a encore une nation. Sans discipline, il n’y a plus d’armée.


XIII

À ces nouvelles Paris fut consterné, l’Assemblée se troubla, les Girondins tremblèrent, les Jacobins se répandirent en imprécations contre les traîtres. Les cours étrangères et les émigrés ne doutèrent plus de triompher en quelques marches d’une révolution qui avait peur de son ombre. La Fayette, sans avoir été entamé, se replia prudemment sur Givet. Rochambeau envoya sa démission de commandant de l’armée du Nord. Le maréchal Luckner fut nommé à sa place. La Fayette mécontent conserva le commandement de l’armée du centre.