Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/22

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIII

Mirabeau, découragé des hésitations et des scrupules du duc d’Orléans, et le trouvant au-dessous ou au-dessus du crime, le rejeta comme un complice d’ambition méprisé, et chercha à se rapprocher de La Fayette. Celui-ci, qui n’avait que la force armée, mais qui sentait dans Mirabeau toute la force morale, sourit à l’idée de ce duumvirat qui leur assurait l’empire. Il y eut des entrevues secrètes à Paris et à Passy entre ces deux rivaux. La Fayette, repoussant toute idée d’usurpation au profit d’un prince, déclara à Mirabeau qu’il fallait renoncer à tout complot criminel contre la reine, si l’on voulait s’entendre avec lui. « Eh bien, général, répondit Mirabeau, puisque vous le voulez, qu’elle vive ! Une reine humiliée peut être utile ; mais une reine égorgée n’est bonne qu’à faire composer une mauvaise tragédie ! » Cette saillie atroce, qui prenait le sang d’une femme en plaisanterie, fut connue plus tard de la reine, qui la pardonna à Mirabeau, et n’empêcha pas ses liaisons avec le grand orateur. Mais le mot dut rester sur le cœur de cette princesse comme un indice sanglant de ce qu’elle pouvait craindre.

La Fayette, sûr de l’assentiment du roi et de la reine, appuyé sur l’indignation de la garde nationale, qui commençait à se lasser des factieux, osa prendre tout bas envers ce prince le ton d’un dictateur et prononcer contre