Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/222

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parquets, les hurlements du peuple qui s’approche, jettent tout à coup l’effroi dans ce groupe de famille. Le roi, confiant d’un geste la reine, sa sœur, ses enfants, aux officiers et aux femmes de leur maison qui les entourent, s’élance seul au bruit dans la salle du Conseil. Il y trouve le fidèle maréchal de Mouchy, qui ne se lasse pas d’offrir les derniers jours de sa longue vie à son maître ; M. d’Hervilly, commandant de la garde constitutionnelle à cheval licenciée peu de jours auparavant ; le généreux Acloque, commandant du bataillon du faubourg Saint-Marceau, d’abord révolutionnaire modéré, puis vaincu par les vertus privées de Louis XVI, aujourd’hui son ami et brûlant de mourir pour lui ; trois braves grenadiers du bataillon du faubourg Saint-Martin, Lecrosnier, Bridaut, Gossé, restés seuls à leur poste de l’intérieur dans la défection commune, et cherchant le roi pour le couvrir de leurs baïonnettes, hommes du peuple, étrangers à la cour, ralliés par le seul sentiment du devoir et de l’affection, ne défendant que l’homme dans le roi.

Au moment où le roi entrait dans cette salle, les portes de la pièce attenante, appelée salle des Nobles, étaient ébranlées sous les coups des assaillants. Le roi s’y précipite au-devant du danger. Les panneaux de la porte tombent à ses pieds ; des fers de lance, des bâtons ferrés, des piques, passent à travers les ouvertures. Des cris de fureur, des jurements, des imprécations accompagnent les coups de hache. Le roi, d’une voix ferme, ordonne à deux valets de chambre dévoués qui l’accompagnent, MM. Hue et de Marchais, d’ouvrir les portes. « Que puis-je craindre au milieu de mon peuple ? » dit ce prince en s’avançant hardiment vers les assaillants.