côtés et un peu en avant de la table. La reine, debout, tenait par la main sa fille, âgée de quatorze ans.
Enfant d’une beauté noble et d’une maturité précoce, les angoisses de famille au milieu desquelles elle grandissait avaient reflété sur ses traits leur gravité et leur tristesse. Ses yeux bleus, son front élevé, son nez aquilin, ses cheveux blonds flottant en longues ondes sur ses épaules, rappelaient, au déclin de la monarchie, ces jeunes filles des Gaules qui décoraient le trône des premières races. La jeune fille se pressait contre le sein de sa mère comme pour la couvrir de son innocence. Élevée dans les premiers tumultes de la Révolution, traînée à Paris comme une captive au milieu du sang du 6 octobre, elle ne connaissait du peuple que ses émotions et ses colères. Le Dauphin, enfant de sept ans, était assis sur la table devant la reine. Sa figure naïve, où rayonnait toute la beauté des Bourbons, exprimait plus d’étonnement que de frayeur. Il se tournait sans cesse vers sa mère. Il levait les yeux vers les siens comme pour y lire, à travers les larmes, la confiance ou la peur qu’il fallait avoir. C’est dans cette attitude que l’attroupement, en s’écoulant de l’Œil-de-Bœuf, trouva la reine et défila triomphalement devant elle. L’apaisement produit par la fermeté et par la confiance du roi se faisait déjà sentir dans les gestes et dans la contenance des séditieux.
Les hommes les plus féroces s’amollissent devant la faiblesse, la beauté, l’enfance. Une femme belle, reine humiliée, une jeune fille innocente, un enfant souriant aux ennemis de son père, ne pouvaient manquer de réveiller la sensibilité jusque dans la haine. Les hommes des faubourgs défilaient muets et comme honteux de leur violence devant ce groupe de grandeur abaissée. Quelques-uns seulement,