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XXIII

L’Assemblée avait rouvert sa séance à l’annonce de l’invasion du château. Une députation de vingt-quatre membres avait été envoyée pour servir de sauvegarde au roi. Arrivés trop tard, ces députés erraient dans les cours, les vestibules, les escaliers encombrés du palais. Quoiqu’ils répugnassent à l’idée du dernier des crimes commis sur la personne du roi, ils ne s’affligeaient pas dans le secret de leur cœur d’une grande menace savourée longtemps par la cour. Leurs pas se perdaient dans la foule, leurs paroles dans le bruit. Vergniaud lui-même, placé sur une marche élevée du grand escalier, faisait de vains appels à l’ordre, à la légalité, à la constitution. L’éloquence, si forte pour remuer les masses, est impuissante pour les arrêter. De temps en temps des députés royalistes indignés rentraient dans la salle des séances, montaient dans le désordre de leurs habits à la tribune, et reprochaient son indifférence à l’Assemblée. Parmi ceux-là se faisaient remarquer Vaublanc, Ramond, Becquet, Girardin. Mathieu Dumas, ami de La Fayette, s’écria en montrant du geste les fenêtres du château : « J’en arrive ; le roi est en danger ! Je viens de le voir, j’en atteste le témoignage de mes collègues, MM. Isnard, Vergniaud, faisant d’inutiles efforts pour contenir le peuple. Oui, j’ai vu le représentant héréditaire de la nation insulté, menacé, avili ! Vous êtes responsables devant la postérité ! »