-Marceau, un de ces hommes que produit l’écume du peuple et derrière lesquels elle se range parce qu’elle ne peut pas les dépasser. Rival de Jourdan, ami de Théroigne, homme des journées d’octobre, du 20 juin, du 10 août, Maillard s’était constitué lui-même le bourreau du peuple. Il aimait le sang, il portait les têtes, il arborait les cœurs, il dépeçait les cadavres. Les femmes lubriques et les enfants cruels qui épient la mort après le combat glorifiaient Maillard parce qu’il assouvissait leurs yeux. Il avait fini par se faire une popularité de l’effroi de son nom. Il portait maintenant une certaine retenue dans sa vengeance, une certaine limite dans le meurtre. Il n’exécutait plus de ses propres mains, il laissait faire à ses seconds. Il semblait discuter avec sa conscience avant de leur livrer leurs victimes.
Tel était Maillard. Il revenait des Carmes, où il avait organisé le massacre. Ce n’était pas le hasard qui l’avait amené à l’Abbaye à l’heure précise de l’arrivée du dernier convoi et avec l’écrou des prisons sous sa main. Il avait reçu la veille les confidences de Marat par des membres du comité de surveillance. Danton avait fait porter les écrous à ce comité ; on y avait épuré les listes. On y avait indiqué à Maillard ceux qu’il fallait absoudre, ceux qu’il fallait condamner. Le jugement du reste avait été remis au tribunal qui se formerait sur les lieux. Ce tribunal avait l’arbitraire du peuple pour loi. On lisait l’écrou ; les guichetiers allaient chercher le prisonnier. Maillard l’interrogeait ; il consultait de l’œil l’opinion de ses collègues. Si le prisonnier était absous, Maillard disait : Qu’on élargisse monsieur. S’il était condamné, une voix disait : À la Force. La porte extérieure s’ouvrait à ce mot ; le prisonnier, entraîné hors du seuil, tombait en sortant.