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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/105

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guisement. Ils respectaient le mystère qui cachait tant d’amour dans tant de dévouement. Il ne restait plus de Suisses à immoler. Le silence avait succédé depuis un moment, dans la cour, aux coups de sabre et au bruit de la chute des corps sur le pavé. Les assassins buvaient. Reding se croyait oublié ou épargné. Ses compagnons de chambre le félicitaient tout bas. Mais les victimes comptées dans la rue ne correspondent pas au nombre des détenus : il manque un Suisse. On se souvient du blessé. Trois égorgeurs, le sabre à la main, précédés d’un guichetier portant une torche, entrent dans la chapelle et demandent Reding. L’amante qui le veille s’évanouit à ce nom. Reding conjure ses bourreaux de le tuer dans son lit pour lui éviter le supplice d’être transporté, après les supplices qu’il a déjà soufferts. Ils s’y refusent avec des railleries atroces. L’un d’eux le prend dans ses bras, le charge sur ses épaules, les jambes en avant, la tête renversée en arrière. Le blessé pousse d’involontaires hurlements. Soit férocité, soit pitié, un de ses assassins scie avec la lame de son sabre le cou pendant de Reding. Ses cris sont étouffés dans son sang. Il arrive mort au pied de l’escalier. On jette son cadavre aux égorgeurs.


X

Ils se reposaient un moment. La nuit tombait. Des torches éclairaient la cour. Assis les pieds dans le sang, ces