tinée aux femmes, avec mesdames de Tourzel, de Saint-Brice, et la fille de Cazotte. Depuis le commencement du massacre, elle se tenait dans le guichet du tribunal, épiant la comparution de son père et protégée par la pitié des gardes et des guichetiers. Sombreuil paraît ; il est condamné ; la porte s’ouvre ; les baïonnettes brillent ; sa fille s’élance, se suspend au cou du vieillard, le couvre de son corps, conjure les assassins d’épargner son père ou de la frapper du même coup. Son geste, son sexe, sa jeunesse, ses cheveux épars, sa beauté accrue par l’émotion de son âme, la sublimité de son dévouement, l’ardeur de ses supplications, attendrissent ces sicaires. Un cri de grâce s’élève de la foule, les piques s’abaissent ; on accorde à la fille la vie de son père, mais à un horrible prix : on veut qu’en signe d’abjuration de l’aristocratie elle trempe ses lèvres dans un verre rempli du sang des aristocrates. Mademoiselle de Sombreuil saisit le verre d’une main intrépide, le porte à sa bouche et boit au salut de son père. Ce geste la sauve. On s’associe à sa joie ; les larmes de ses assassins se mêlent aux siennes. Il y a des surprises de la nature, même au plus profond du crime. Il y a des abîmes dans le cœur humain. Des monstres, les bras teints de sang, emportent en triomphe Sombreuil et sa fille jusqu’à leur demeure et leur jurent de les défendre contre leurs ennemis.
La fille de Cazotte disputa aussi et reconquit son père. Cazotte était un vieillard de près de soixante-quinze ans. L’élévation de sa stature, la blancheur de ses longs cheveux, le feu de son regard sous des sourcils blancs, la beauté austère et l’exaltation des traits de son visage, lui donnaient la majesté d’un prophète. Il en avait l’éloquence et les vertiges. Imagination folle dans ses écrits, âme exta-