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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/128

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l’histoire est l’éternel pilori des noms infâmes — portent la tête de la princesse de Lamballe dans un cabaret voisin, la déposent sur le comptoir entre les verres et les bouteilles, et forcent les assistants de boire avec eux à la mort. Ces buveurs de sang marchent en se grossissant jusqu’aux portes du Temple pour consterner les yeux de Marie-Antoinette de la tête livide de son amie. Les commissaires de la commune qui veillaient au Temple avec une députation de l’Assemblée, avertis de l’approche de cet attroupement, le reçurent avec des égards et des prières. L’attroupement se borna à demander de promener la tête de la complice de la reine sous les fenêtres de la famille royale. Les commissaires y consentirent. Pendant que le cortége défilait dans le jardin, sous la tour habitée par les prisonniers, le commandant du poste invita le roi à se présenter au peuple. Le roi obéit. Un commissaire plus humain se jeta entre le prince et la fenêtre où l’on élevait l’horrible trophée. Le roi néanmoins aperçut la tête et la reconnut. La reine, que l’attroupement appelait à grands cris, ignorant le spectacle qu’on lui préparait, s’élança vers la fenêtre. Le roi la retint dans ses bras et l’emmena dans le fond de ses appartements. On ne lui cacha que la vue du supplice de son amie ; elle en sut le soir même les détails, et reconnut la haine du peuple à son acharnement contre tout ce qu’elle aimait.