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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/191

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du succès d’une journée qui raffermissait l’esprit de l’armée et qui rendait le premier choc contre la patrie fatal à ses ennemis, il était trop clairvoyant pour se dissimuler la faute de Kellermann et la témérité de sa position. Le duc de Brunswick était le lendemain ce qu’il était la veille, et de plus il avait étendu son aile droite au delà de Gizaucourt et coupait la route de Châlons. L’armée française, quoique victorieuse, était ainsi emprisonnée dans ses lignes. Il ne lui restait de libre communication avec Paris que par la route indirecte de Vitry. Une seconde journée pouvait ramener les Prussiens sur Kellermann et anéantir son corps trop exposé. Dumouriez se rendit le 21 de grand matin au camp de son collègue, et lui ordonna de passer la rivière d’Auve et de se replier dans le camp de Dampierre, qu’il avait précédemment assigné. Cette position, moins brillante, mais plus sûre, rendait la liaison et la solidité à l’armée française. Kellermann le sentit et obéit sans murmurer. Aucune attaque des Prussiens n’était possible contre cinquante mille hommes couverts par des bastions et des fossés naturels et soutenus par une nombreuse artillerie. C’était le temps seul qui allait désormais combattre pour ou contre l’une ou l’autre armée.

Les Prussiens avaient perdu tant de jours qu’il ne leur en restait plus à perdre. La mauvaise saison les atteignait déjà, et l’hiver seul les forcerait à la retraite. Le duc de Brunswick n’avait que trois partis à prendre, mais il fallait les prendre immédiatement : marcher sur Paris par la route de Châlons, qu’il avait conquise ; attaquer et vaincre Dumouriez dans ses lignes ; enfin repasser l’Argonne, prendre de bons quartiers d’hiver dans la partie grasse du territoire qu’il avait envahi, tenir la France en échec pendant six