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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/204

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ton : « Avertissez le roi de Prusse, murmura-t-il sans regarder Massembach et en dissimulant le mouvement de ses lèvres, qu’on prépare à Paris un projet d’invasion en Allemagne, parce qu’on sait qu’il n’y a pas de troupes allemandes sur le Rhin, et qu’on veut ainsi forcer votre armée à rétrograder. » Cette périlleuse confidence, répétée le soir au roi par Massembach, concordait avec les mouvements de Custine, qui préparait son irruption sur Spire et sur Mayence. Elle frappa le roi et le rejeta davantage dans les pensées d’accommodement.

Cependant le parti autrichien, le parti de la guerre, et les émigrés surtout, dont la guerre était la seule espérance, murmuraient dans le camp des Prussiens, et assiégeaient de plaintes et de reproches le quartier général du roi.

« Que présagent, disaient-ils, ces conférences entre le roi et Dumouriez ? Veut-on sauver les jours du roi de France en nous sacrifiant ? Alors que deviendront la monarchie, la religion, la noblesse, la propriété ? Nos alliés ne se seront armés que pour nous livrer de leurs propres mains à nos ennemis ! » Telles étaient les plaintes dont les chefs des émigrés et les envoyés des princes français remplissaient le quartier général du roi de Prusse.

Le Voltaire de l’Allemagne, Gœthe, qui suivait le duc de Weimar dans cette campagne, a conservé dans ses Mémoires une de ces nuits qui précédèrent la retraite des Allemands. « Dans le cercle des personnes qui entouraient les feux du bivouac, et dont la figure était calcinée par la lueur des flammes, je vis un vieillard, dit-il, que je crus me souvenir d’avoir vu dans des temps plus heureux. Je m’approchai de lui. Il me regarda avec étonnement, ne paraissant pas comprendre par quel jeu bizarre de la destinée