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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/240

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-bas : l’enfantement de son idée, la contemplation de son œuvre, la possession de son idéal accompli.

De nobles paroles furent échangées pendant le repas entre ces grandes âmes. Madame Roland, pâle d’émotion, laissait échapper de ses yeux des regards d’un éclat surnaturel qui semblaient voir l’échafaud à travers la gloire et la félicité du jour. Le vieux Roland interrogeait de l’œil la pensée de sa femme et semblait lui demander si ce jour n’était pas le sommet de leur vie et celui après lequel il n’y avait plus qu’à mourir. Condorcet entretenait Brissot des horizons indéfinis que l’ère nouvelle ouvrait à l’humanité. Boyer-Fonfrède, Barbaroux, Rebecqui, Ducos, jeunes amis, presque frères, se félicitaient d’avoir de longues vies à donner à leur patrie et à la liberté. Guadet et Gensonné se reposaient glorieusement de leurs longues fatigues dans cette halte triomphante où ils espéraient avoir enfin mené la Révolution. Pétion, à la fois heureux et triste, sentait que sa popularité l’abandonnait ; mais il l’abdiquait volontairement, du moment où on la mettait au prix du crime. Le sang de septembre avait enlevé à Pétion son ivresse de popularité. Cette ivresse passée, Pétion allait redevenir un homme de bien.

Vergniaud, sur qui tous les convives avaient les yeux fixés comme sur le principal auteur et le seul modérateur de la future république, montrait dans son attitude et dans ses traits la quiétude insouciante de la force qui se repose avant et après le combat. Il regardait ses amis avec un sourire à la fois serein et mélancolique. Il parlait peu. À la fin du souper, il prit son verre, le remplit de vin, se leva et proposa de boire à l’éternité de la république. Madame Roland, pleine des souvenirs de l’antiquité, demanda à