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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/258

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liser en institution démocratique. Liberté, égalité, fraternité entre les citoyens, paix entre les nations, ces mots, commentés au profit de tous les hommes et à la ruine de toutes les inégalités, de toutes les tyrannies, c’était son code affiché. Il en appliquait les formules et les conséquences, sans fléchir, à toutes les questions, à toutes les circonstances soulevées par le temps. Éclairé par cette lampe de la théorie qu’aucun vent extérieur ne faisait vaciller dans son esprit, il ne s’était point égaré jusque-là. Son intérêt, c’était sa foi ; son ambition, c’était sa cause ; ses amis, c’étaient tous ceux qui servaient cette cause le plus utilement ; ses ennemis, tous ceux qui lui paraissaient la trahir. Son malheur et, bientôt après, son crime furent de se regarder comme seul pur et seul capable, de soupçonner, d’envier, de haïr et de persécuter tous ceux qui rivalisaient avec lui dans la direction de l’opinion.

Robespierre cependant mérita le nom d’incorruptible ; le plus beau titre que le peuple pût décerner, puisque c’était le titre à sa confiance absolue dans un temps où il se défiait de tous. Robespierre, qui comprenait la réalisation de sa philosophie politique sous les formes les plus diverses du gouvernement, pourvu que la démocratie en fût l’âme, n’avait point déclamé contre la royauté, n’avait point répudié la constitution de 1791, n’avait point conspiré le 10 août, n’avait point fomenté la république. Il préférait la république, sans doute, comme une forme plus complète de l’égalité politique et comme un gouvernement où le peuple ne confiait sa liberté qu’à lui-même ; mais il ne voyait point d’inconvénient immédiat et radical à ce que la démocratie conservât une tête dans un roi et l’unité de pouvoir dans la monarchie populaire. Cette concession à la