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Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/274

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ment, c’était l’horreur de leur âme contre ces corrupteurs du peuple, et l’impossibilité pour des hommes de cœur de se laisser confondre avec les assassins, et de paraître les tolérer ou les craindre en les ménageant plus longtemps.

L’intrépide Vergniaud, honteux d’avoir subi pendant six semaines l’insolente tyrannie des orateurs de la commune, ne cherchait ni à presser ni à ralentir l’ardeur de ses jeunes compatriotes. Il ne fuyait ni ne demandait le combat ; il se déclarait seulement prêt à l’accepter et à le soutenir.

Sieyès surtout, qui, dans ces premiers temps, était recherché des Girondins et qui les voyait tous les soirs dans le salon de madame Roland, leur donna en formules laconiques des conseils de tactique, et leur présenta des plans métaphysiques de constitution. Les Girondins le cultivaient comme leur homme d’État. Sieyès, esprit à longue vue, tout en détestant Robespierre, Marat, Danton, aurait voulu qu’avant d’attaquer la commune les Girondins eussent détaché Danton et fait un pacte avec Dumouriez qui leur assurât une autre force que la tribune contre les bandes insurrectionnelles de l’hôtel de ville. « Ne jouez pas avec la république, leur dit-il, dans une bataille de rues avant d’avoir le canon de votre côté. » Vergniaud convint de la justesse de ce mot ; mais l’impatience de la jeunesse, la honte de reculer, les excitations éloquentes de madame Roland, l’emportèrent sur tous les calculs.