Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/351

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partout des complots et des abîmes, son tempérament bilieux, son imagination atrabilaire lui colorent de crime tous les objets. Ne croyant qu’en lui, ne parlant que de lui, toujours convaincu qu’on conspire contre lui, ambitieux surtout de la faveur du peuple, affamé d’applaudissements, cette faiblesse de son âme pour la popularité a fait croire qu’il aspirait à la dictature. Il n’aspire qu’à l’amour exclusif et jaloux du peuple pour lui. Le peuple, c’est son ambition ! »

Ce portrait vrai de Robespierre était vrai de Pétion. Il y avait alors entre les deux partis de la Montagne et de la Gironde plus de soupçons que de conflits réels. Les amis communs qui voulaient les rapprocher étaient les confidents de ces accusations mutuelles.

Garat venait d’être nommé ministre de l’intérieur après que Danton eut quitté la justice. C’était un écrivain né aussi dans les Pyrénées, révolutionnaire par philosophie, lettré de profession : un de ces hommes que les circonstances entraînent à contre-sens de leur esprit. Trop timide pour résister avec les Girondins, trop scrupuleux pour agir avec les Montagnards, Garat essayait de s’entremettre, toléré, aimé, dédaigné des deux partis.

« Je me suis souvent rappelé avec effroi, dit-il dans ses Souvenirs, deux entretiens qu’à deux ou trois jours d’intervalle j’ai eus avec Salles et avec Robespierre. Je les avais connus l’un et l’autre à l’Assemblée constituante ; je les croyais très-sincèrement dévoués également à la Révolution. Je n’avais aucun doute sur leur probité. S’il m’avait fallu douter de la probité de l’un des deux, le dernier que j’aurais soupçonné c’était Robespierre. Salles était une imagination inquiète, agitée de la fièvre de la Révolution. Dans