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trône à l’ignorance de l’art d’écrire ; ignorance dont rougissent les derniers enfants du peuple.

Le roi, arraché aux embrassements et aux cris de sa famille, fut conduit dans l’appartement à peine achevé qu’on lui avait destiné dans la grande tour. Les ouvriers y travaillaient encore. Un lit et une chaise au milieu des déblais, des gravois, des planches et des briques, en formaient tout l’ameublement. Le roi se jeta tout habillé sur ce lit. Il passa les heures à compter les pas des sentinelles qu’on relevait à sa porte et à essuyer les premières larmes que la prison eût encore arrachées à sa fermeté. Cléry, son valet de chambre, passa la nuit sur la chaise, dans l’embrasure de la fenêtre, attendant avec impatience le jour, pour savoir s’il lui serait permis d’aller donner aux princesses les soins dont elles avaient l’habitude. C’était lui qui peignait le Dauphin et qui bouclait les longs cheveux de la reine et de Madame Élisabeth depuis la captivité.

Ayant demandé à sortir pour ce service : « Vous n’aurez plus de communication avec les prisonnières, lui répondit brutalement le commissaire de la commune Véron. Votre maître ne doit pas même revoir ses enfants ! »

Le roi ayant adressé quelques observations touchantes aux commissaires sur une barbarie qui outrageait la nature, qui suppliciait cinq cœurs pour punir un seul, et qui donnait à des êtres vivants la torture d’une séparation plus cruelle que la mort, les commissaires ne daignèrent pas lui répondre. Ils se détournèrent de lui comme des hommes sans oreilles, importunés des murmures suppliants.