Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/195

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Comme un vase qui bout, de ses bouillonnements
Couvrait et découvrait les rochers écumants ;
Un aigle y tournoyait dans l’éternel orage,
Et son aile en passant ombrageait leur visage.
La barrière semblait impossible à franchir :
À travers ces écueils, qu’ils regardaient blanchir,
Il fallait ou passer, ou tourner la montagne ;
Mais elle s’étendait si loin dans la campagne,
Que sa ligne d’azur, interceptant les cieux,
Leur opposait partout le même obstacle aux yeux.
Les jeunes fugitifs, pour tenter ce passage
Sans exposer leurs fils aux dangers de la plage ;
Voulurent dans ses flots d’abord seuls s’avancer.
Dans le cœur d’un palmier qui semblait les bercer,
Ils couchèrent bien haut la sœur avec le frère,
De peur que le chacal ne les flairât sur terre.
En inclinant vers eux le jeune arbre pliant,
Ils baisèrent deux fois le couple souriant ;
Puis, laissant échapper de leurs mains le tronc souple,
Sa cime dans les airs abrita le beau couple.


Cédar et Daïdha s’avancèrent alors
Sur l’humide corniche entre l’onde et ses bords ;
Tantôt posant à sec leurs pieds nus sur la grève,
Tantôt dans les torrents que la vague soulève,
D’un tourbillon d’écume ensemble enveloppés,
Repoussant de la mer les bonds entrecoupés.
Cédar, se suspendant aux rocs de la montagne,
Pressait de l’autre main les flancs de sa compagne,