Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/197

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Ils allaient d’arbre en arbre ; à la cime des troncs
Comme des oiseleurs ils plongeaient leurs deux fronts,
Espérant que leurs yeux se trompaient de feuillage,
Et que de leur palmier un autre était l’image,
Quand un cri de détresse entendu dans les cieux
Vers la crête du roc leur fit lever les yeux.
L’aigle qu’ils avaient vu tournoyer sur l’abîme,
Fendant maintenant l’air d’un vol calme et sublime,
Ses larges ailerons tendus d’un vol dormant,
Leur cachait de son ombre un peu du firmament,
Et, comme le ballon emporte la nacelle,
Tenant en équilibre un fardeau sous son aile,
Il nageait en pressant des ongles triomphants
Vers son aire emporté le dernier des enfants.


De peur qu’un cri d’effroi ne fît ouvrir sa serre
Et ne précipitât l’enfant broyé sur terre,
Daïdha, retenant son cri sourd dans son cœur,
À Cédar, de son doigt, montrait l’oiseau vainqueur.
Ils le virent nager vers l’immense ouverture
D’un antre qui du cap couronnait la ceinture,
Et, sans même plier ses ailes pour entrer,
Avec son cher fardeau dans l’ombre s’engouffrer.
Vers l’antre au même instant un cri porta leur âme.
Comme en un incendie on voit la jeune femme
Avant d’ouvrir la bouche ou même de penser,
Dans sa demeure en feu rapide s’élancer,
Saisir le fer brûlant où le plomb fondu coule,
Gravir l’échelle en feu qui sous ses pieds s’écroule,