Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/228

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Était plus plein de sens que l’homme à tête blanche
Dont la sagesse antique en paroles s’épanche.
Tout précepte était bon, toute ligne était loi,
Et l’on sentait son cœur qui l’approuvait en soi.


» Or, pour les consoler dans leurs dures misères,
Je lisais quelquefois dans ce livre à mes frères,
Et nous nous entourions de mystère et de nuit,
De peur qu’à nos tyrans l’air n’en portât le bruit.
Nous apprenions ensemble à servir, à connaître
Au delà de nos dieux le seul Dieu, le seul maître ;
Un de nos fers tombait à chaque vérité,
Et nos soupirs du moins montaient en liberté.
Ravis en écoutant la divine lecture,
Leurs fronts se relevaient de la terre à mesure,
D’un regard moins servile ils regardaient leurs dieux,
Ils sentaient qu’ils avaient un vengeur dans les cieux ;
Et quelques mots déjà qu’ils ne pouvaient comprendre
Couvaient dans les esprits comme un feu sous la cendre.


» Ces symptômes troublaient nos tyrans, effrayés
De voir ces vermisseaux se dresser sous leurs pieds.
Ils cherchèrent longtemps quelle sourde espérance
À leurs regards plus fiers donnait cette assurance :
Ils surent qu’il soufflait un vent séditieux
Qui nous enflait le cœur et dessillait nos yeux,
Qu’un livre sur leur tête assemblait ces orages ;
Ils jurèrent, jaloux, d’en déchirer les pages,