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Sainte et profonde loi ! l’amour qui déifie
Peut seul, dès ici-bas, perpétuer la vie !
Et l’Éternel lui fit la voix pour le nommer,
La raison pour le voir, et l’âme pour l’aimer.
Pour être en harmonie avec son corps fragile,
Il lui donna des sens de limon et d’argile ;
Et pour toucher plus loin que son œil limité,
Il lui donna le sens de l’immortalité !
C’est ce sens qui, plus clair à sa première aurore,
Alors que l’homme enfant ne faisait que d’éclore,
Illuminait ses yeux d’un flambeau si certain,
Qu’il voyait par la foi son éternel destin
Car ce n’est point le temps que l’Immuable habite.
De deux mondes ainsi rapprochant la limite,
Aux deux extrémités l’homme touche à la fois,
Et de ces deux destins subit les doubles lois ;
Restituant au sol l’enveloppe grossière,
Il dépouille en mourant ses vils sens de poussière,
Et son sens immortel, par la mort transformé
Quand la terre a repris le corps qu’elle a formé,
Selon que son travail le corrompt ou l’épure,
Remonte ou redescend du poids de sa nature !
Deux natures ainsi combattant dans son cœur,
Lui-même est l’instrument de sa propre grandeur ;
Libre quand il descend, et libre quand il monte,
Sa noble liberté fait sa gloire ou sa honte.
Quand il a dépouillé ce corps matériel,
Descendre ou remonter, c’est l’enfer ou le ciel !
La liberté nous porte entre ce double abîme
De bien pour la vertu et de mal pour le crime ;