Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/302

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Secret qui, du tyran servant l’hypocrisie,
Déroutait des rivaux la sombre jalousie,
Et, détournant leurs yeux vers quelque faux dessein,
Au véritable coup leur découvrait le sein.
C’est elle qui, des cœurs épiant les ivresses,
Leur surprenait un mot fuyant sous des caresses,
Et, comme une tisseuse au doigt sûr et subtil,
Du seul bout de la trame ourdissait tout le fil ;
Elle qui, préparant le piége où l’on trébuche,
Attirait en riant la victime à l’embûche,
Tandis que le poignard dans l’ombre suspendu
La frappait, sans briller, d’un coup inattendu ;
Elle qui, consommant des cruautés plus lentes,
Savait broyer la mort dans le venin des plantes,
Cacher entre ses dents l’imperceptible dard
Qui d’un trépas soudain étonnait le regard :
Car, dans ce noir palais de ruse et de malice,
Toute lèvre en buvant soupçonnait le calice ;
Et pour verser la mort il fallait, ô stupeur !
Qu’un enfant venimeux la lançât dans le cœur.


Par l’orgueil, et par l’or, et par mille délices,
Nemphed récompensait ces ténébreux services :
Elle jouait en reine avec le sceptre d’or,
Puisait, à son désir, dans le divin trésor,
Attachait à son front le sacré diadème,
Ou passait à son doigt l’anneau, signe suprême,
Et dont le seul aspect, du souverain des dieux
Faisait exécuter l’ordre silencieux.