Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/309

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Par le pli du dédain sa lèvre rebroussée
Donnait l’air de l’insulte à sa forte pensée.
Son œil profond rêvait sous son épais sourcil ;
Les soucis allongeaient et creusaient son profil ;
La morne indifférence éclatait dans ses poses ;
Son regard descendait de haut sur toutes choses,
Comme le pied superbe et qui ne daigne pas
Choisir dans la poussière où s’impriment ses pas.
Le mépris des humains était son âme entière ;
Il ne voyait en eux qu’une vile matière
Qu’il fallait façonner à son ambition,
Plier, briser, pétrir sous son oppression,
Sans prêter plus l’oreille au cri qu’on leur arrache
Qu’on ne la prête au bois qui gémit sous la hache,
Ou qu’en foulant l’argile un stupide potier
Ne la prête au limon pétri dans son mortier !


Sans avoir de ce peuple amour, terreur ou haine,
C’est sa main qui forgeait et qui rivait sa chaîne.
Il était l’inventeur des profanations
Dont ces Titans scellaient leurs dominations ;
C’était lui qui, montrant un infernal génie,
Rédigeait savamment l’art de la tyrannie,
Et, sous le joug affreux qu’il appesantissait,
Courbait le front du peuple et l’assujettissait.


Segor, Azem, Jéhu, géants aux fronts sinistres,
De ce palais maudit courtisans ou ministres,