Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/316

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— Ô moelle de mes os, quel tourment ! quelle joie !
Sans pouvoir vous sauver, faut-il que je vous voie ?
Comme cette hirondelle au nid de son amour,
Que ne peux-tu monter au sommet de ma tour ?
J’en parcours librement la haute plate-forme ;
Au pied des murs déserts il semble que tout dorme.
La tour sert de rempart à la cité des dieux ;
Le fleuve coule en bas et brille sous mes yeux ;
Des lierres où le pied glissant peut se suspendre
Jusqu’aux bords du courant nous laisseraient descendre ;
Et je vous porterais au delà de ses eaux,
Dans l’antre où le lion cache ses lionceaux !
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Mais que vois-je ? en ces lieux, des gardiens oubliée,
Une corde de jonc en serpent repliée
Semble nouée exprès aux créneaux de la tour
Pour tromper leur vengeance et pour sauver l’amour.
Ichmé ! ne tremble pas ! » Il dit et la déroule,
Le long des murs polis rapidement s’y coule,
Et, des astres du ciel seulement aperçu,
Entre des bras tremblants à terre il est reçu.
Oh ! qui peindrait à l’œil ces deux têtes pressées,
Ces palpitantes mains autour du cou tressées,
Ces lèvres se quittant pour se serrer plus fort,
Ces membres fléchissant sous le poids du transport,
Ces silences coupés de paroles rapides,
Et ces mains dans les mains, et ces regards avides,
Assauts multipliés des mille sentiments
Que peignaient aux regards les gestes des amants ?