Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/32

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Et de nos bras tendus le vain enlacement
N’embrassait pas un pli d’écorce seulement.
Debout, l’homme est à peine à ces plantes divines
Ce qu’est une fourmi sur leurs vastes racines.
De la croupe du mont où les neiges fondaient,
Jusqu’aux bords d’un plateau leurs bras noirs débordaient ;
Comme d’un coup de hache, en cet endroit fendue,
La pente tout à coup jusqu’à perte de vue
Plongeait en précipice, où, se brisant au fond,
Un fleuve tout entier s’élançait d’un seul bond,
Et de là, vers la mer se creusant en vallée,
Faisait serpenter l’onde en un lit rassemblée.


Couchés sur le rebord, pour qu’en plongeant en bas
Le vertige des eaux ne nous emportât pas,
Nos fronts seuls débordaient la béante muraille.
Mon guide m’y montra du regard une entaille.
À quelques pas de nous, comme une fente au mur,
S’ouvrait dans ses parois un interstice obscur,
Semblable par sa forme aux portes colossales
Qui s’élèvent du seuil au toit des cathédrales ;
Devant cette ouverture, un grand banc de rocher,
Promontoire du mont plus lent à s’ébrécher,
Étendait de niveau quelques pieds de surface,
Où la mousse et les pas trouvaient un peu d’espace.
À travers de grands blocs de porphyre sanglant,
Notre œil en démêlait le sentier circulant.
L’onde, dont le granit le plus dur se découpe,
En relevait les bords comme ceux d’une coupe.