Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/343

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De leurs cœurs, en dormant, ils écartaient des glaives,
Et la nuit sanglotait, pleine du bruit des rêves !

Sous ces toits convulsifs du palais endormi,
Deux êtres veillaient seuls : Asrafiel et Lakmi.
Asrafiel, repassant devant ses yeux l’image
De la femme céleste enlevée au nuage,
Ne pouvait effacer ni détacher de lui
Le doux rayonnement dont ce front avait lui.
Daïdha, dans la nuit seulement entrevue,
D’un éblouissement troublait encor sa vue.
Ces suaves contours, ces yeux, ces traits si purs,
Nageaient dans l’atmosphère et flottaient sur les murs ;
Et s’il fermait les yeux, sous sa paupière ardente
Il sentait cette image encore plus présente ;
Et jamais la beauté, dans son charme vainqueur,
N’avait ainsi passé de ses sens à son cœur.
Il sentait sur ses yeux, à cette seule image,
Le brasier de son sein se répandre en nuage ;
Il aurait préféré le vent de ses cheveux
À ces mille beautés qui devançaient ses vœux.
Pour la première fois cette âme sensuelle
D’un indomptable amour aspirait l’étincelle.
En tombant d’un regard, cette foudre du ciel
Allumait le limon dans le cœur d’Asrafiel.
Il avait entendu d’une oreille inquiète
Nemphed insinuer sa volonté secrète,
Et des plus grands exploits pour son trône entrepris
Aux Titans enflammés la promettre pour prix.