Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/36

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Son crâne, éblouissant d’un blanc teint de vermeil,
Ainsi qu’un dôme d’or éclatait au soleil ;
On eût dit que jamais aucune chevelure
N’en avait ombragé la robuste moulure ;
Seulement les fils blancs de ses deux hauts sourcils
Se mêlaient sur les yeux à la blancheur des cils.
Ses yeux étaient fermés, comme si la paupière
N’eût plus cherché qu’en Dieu le ciel et la lumière ;
Un jour intérieur paraissait inonder
Son visage immobile et doux à regarder ;
Creusés par la pensée et non pas par des rides,
Ses traits purs n’étaient plus que des lignes arides
Dont un mince épiderme embrassait le contour ;
Même à travers sa joue on croyait voir le jour.
De ce tissu fibreux la transparente trame
Ne semblait plus un corps, mais un vêtement d’âme ;
Et, si l’on n’eût pas vu ses lèvres murmurer,
Et sa poitrine osseuse en s’enflant respirer,
On eût pu croire, aux traits que le jeûne exténue,
À l’immobilité de ce front de statue,
À l’égale couleur des membres et du roc,
Que l’homme et le rocher n’étaient qu’un même bloc !
Le soleil, qui rasait les parois de l’abîme,
De son front chauve et nu teignait déjà la cime ;
Bien qu’il ne pût le voir, il paraissait jouir
Du rayon où ses yeux allaient s’épanouir,
Comme par l’autre sens dont la foi nous inonde
On sent Dieu, sans le voir, dans la nuit de ce monde.
La stupeur sur le sol pétrifiait nos pas ;
L’ombre sans mouvement ne nous trahissait pas ;