Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/362

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Sa bouche sans haleine attendait la réponse,
Comme un mourant attend un glaive qu’on enfonce.
À ces tendres élans d’ineffables amours
Toujours coulant du cœur et débordant toujours,
Amours dont jusque-à son esprit, même en songe,
N’avait vu chez les dieux que le hideux mensonge,
Et dont en ces récits la chaste expression
Lui semblait d’autres sens la révélation,
Un nuage passait sur sa vue éblouie,
Ses oreilles tintaient, son âme, évanouie,
De jalousie, de honte en son sein rougissait,
Et d’envieux transports tout son cœur bondissait.
L’angélique miroir lui montrait tous ses vices ;
Et comparant sa vie à ces pures délices,
À cet amour céleste à ses yeux inconnu,
Elle voyait son âme impure mise à nu.
Respirant l’air divin de ce magique monde,
Elle sentait l’horreur de sa nature immonde,
Et, comme d’un feu pur un impur aliment,
Son cœur sanctifié montait en s’enflammant.
Sous ce regard limpide elle sondait sa fange,
Et se sentait trop bas pour ce chaste amour d’ange.

Mais, malgré sa nature et son abaissement,
Cet ange l’attirait d’un invincible aimant.
Elle éprouvait du cœur le supplice suprême :
Adorer, sans pouvoir monter à ce qu’on aime !
Oh ! si devant Cédar ce sein se fût ouvert,
Quel gouffre de l’enfer il aurait découvert !