Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/381

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Nul duvet n’attiédit leur tendre nudité !
— Hélas ! non, dit Lakmi. — Monstres de cruauté !
Hommes dont la malice assassine les anges !
Eh bien, de ces cheveux je leur ferai des langes !
Oh ! ne résistez pas au dernier de mes vœux !
Vous, enfant ! faites-leur un lit de mes cheveux :
Étendez sous les corps de ce tendre et beau couple
De mon front dépouillé ce duvet long et souple ;
Couvrez leur blanche peau de ces anneaux coupés ;
Je les ai si souvent de même enveloppés !
Dans ces réseaux flottants qu’ouvraient leurs mains jumelles,
Ils se sont tant de fois assoupis sous mes ailes !
Avec ces noirs anneaux qu’ils cherchaient a nouer,
Oh ! j’aimais tant à voir leurs doigts de lait jouer !
Ils en reconnaîtront l’odeur, douce chimère !
Ils se croiront encor sur le sein de leur mère ! »

Tout en parlant ainsi, sous le fil des ciseaux
Ses beaux cheveux coupés tombaient en longs réseaux ;
Les ondes sous ses pieds s’accumulaient en foule,
Comme les plis montants d’une robe qui coule.
Quand ils furent montés jusqu’à ses deux genoux,
Sur les bras de Lakmi les amoncelant tous :
« Oh ! prenez, lui dit-elle, et portez, portez vite !
Portez-les encor chauds de ce front qui les quitte !
Laissez sur votre main mes lèvres se poser,
Et revenez bientôt me rendre leur baiser ! »
Lakmi, les bras chargés de l’ondoyante soie,
Sortit en déguisant son infernale joie,