Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/43

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Comme un ruisseau d’argent, qu’une chute divise,
En nappes de cristal pleut, scintille et se brise ;
Puis, s’étendant à terre en immenses toisons,
Sur les pentes en fleurs blanchissaient les gazons.
On voyait aux lueurs de la nocturne lampe
Des files de troupeaux gravissant une rampe,
Troupeaux qu’une tribu de pasteurs, pris du soir,
Chassait dans le lointain derrière un tertre noir.
Hommes, femmes, enfants, ils s’enfonçaient dans l’ombre.
Cette famille humaine était en petit nombre ;
Sous ce ciel sans ardeur et sans humidité,
Seul un léger tissu couvrait leur nudité ;
Les femmes ombrageaient de feuilles leur ceinture
Et se voilaient le sein avec leur chevelure ;
Et les hommes nouaient sur leurs flancs nus les peaux
Des plus beaux léopards, ennemis des troupeaux ;
La taille, la grandeur, la force de ces hommes
Passait l’humanité des âges où nous nous sommes,
Autant que la hauteur de ces arbres géants
Surpasse en vos forêts vos chênes de cent ans.
Leur voix qui s’éloignait mourut dans la distance,
Et tout fut sous le bois solitude et silence.


Majesté des déserts, de la nuit et des cieux,
Qui pourrait vous chanter et vous peindre à leurs yeux ?
Si vous gardez encore après votre ruine
Pour le regard de l’homme une empreinte divine,
Si la nuit rayonnante et ses globes errants
Lui montrent l’infini sous ces cieux transparents,