Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 16.djvu/63

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On entendait pourtant dans le sacré silence
L’écho se rapprocher d’un pas sourd à distance,
Et quelques mots tronqués, jetés à demi-voix,
Semblaient sortir au loin des profondeurs des bois.
Bientôt, répercutés sur les larges troncs sombres,
Des feux intermittents sillonnèrent les ombres,
Semblables aux reflets des livides éclairs
Qui palpitent aux cieux par la foudre entrouverts.
Un homme tout à coup se glissant sous leur voûte,
Comme quelqu’un qui cherche et dont l’oreille écoute,
Le corps penché, la tête et la jambe en avant,
Parut ; il secouait comme une torche au vent
Le tronc d’un jeune pin fendu jusqu’aux racines,
Dont la flamme en jets bleus dévorait les résines,
Et dont l’éclat funèbre et le foyer dormant
Se rallumaient plus vifs à chaque mouvement ;
Aux éblouissements de cette torche informe,
Qui semblait peu peser dans cette main énorme,
De l’homme de la nuit le corps livide et bleu
Se dessinait à l’œil sous la couleur du feu.
Aux hommes d’à présent son corps mâle et robuste
Était ce qu’un grand cèdre est au fragile arbuste ;
Les muscles, dont les nœuds faisaient gonfler sa peau,
S’enlaçaient sur son corps comme au cou du taureau,
Et de ses larges pieds les gigantesques plantes
Écrasaient sous son poids les herbes et les plantes.
On eût dit, aux contours solides de sa chair,
De durs membres de marbre avec des os de fer.
Ses membres étaient nus ; sa poitrine velue
D’un affreux ornement épouvantait la vue :