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XIV


» Mais, malgré tes malheurs, pays choisi des dieux,
Le ciel avec amour tourne sur toi les yeux ;
Quelque chose de saint sur tes tombeaux respire,
La Foi sur tes débris a fondé son empire !
La Nature, immuable en sa fécondité,
T’a laissé deux présents : ton soleil, ta beauté ;
Et, noble dans son deuil, sous tes pleurs rajeunie,
Comme un fruit du climat enfante le génie.
Ton nom résonne encore à l’homme qui l’entend,
Comme un glaive tombé des mains du combattant :
À ce bruit impuissant, la terre tremble encore,
Et tout cœur généreux te regrette et t’adore.

» Et toi qui m’as vu naître, Albion, cher pays
Qui ne recueilleras que les os de ton fils,
Adieu ! Tu m’as proscrit de ton libre rivage ;
Mais dans mon cœur brisé j’emporte ton image,
Et, fier du noble sang qui parle encore en moi,
De tes propres vertus t’honorant malgré toi,
Comme ce fils de Sparte allant à la victoire,
Je consacre à ton nom ou ma mort ou ma gloire.
Adieu donc ! Je t’oublie, et tu peux m’oublier :
Tu ne me reverras que sur mon bouclier.