Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


» L’hirondelle, en suivant les saisons dans les airs,
Voit, des bords qu’elle fuit, l’autre rive des mers ;
Le pilote, que l’ombre entoure de ses voiles,
Suit un phare immobile au milieu des étoiles ;
L’aigle vole au soleil, la colombe à son nid ;
Sur l’abîme orageux que sa proue aplanit,
Sous des cieux inconnus guidé par sa boussole,
À travers l’horizon le vaisseau voit le pôle :
L’homme seul ne voit rien, pour marquer son chemin,
Qu’hier et qu’aujourd’hui, semblables à demain ;
Et, changeant à toute heure et de but et de route,
Marche, recule, avance, et se perd dans son doute !


XVI


» Mon but ! trop près de moi mes mains l’avaient placé.
J’ai fait deux pas à peine, et je l’ai dépassé !
J’ai chanté : l’univers, charmé de mon délire,
D’une gloire précoce a couronné ma lyre,
C’est assez ; je suis las de ce stérile bruit,
Par l’écho monotone en tout lieu reproduit.
Un nom ! toujours un nom ! Qu’est-ce qu’un nom m’importe,
Hélas ! et qu’apprend-il à celui qui le porte ?
Que dans l’urne sans fond un mot de plus jeté
Tombe en retentissant dans la postérité.
Qu’est-ce que cette gloire incertaine, éphémère,
Qui s’écrit sur la feuille en léger caractère,
Dont, par l’aile du Temps, un seul mot effacé
Emporte pour jamais le souvenir glacé ?
Simulacre de gloire, ombre de renommée,
Qui s’engloutit dans l’ombre, ou se perd en fumée ;