» Mais à peine, dorant les sommets du Ménale,
L’aurore suit au ciel l’étoile matinale,
La terre retentit du cri d’Allah ! Des pas
Dans l’ombre des vallons roulent avec fracas ;
De menaçantes voix s’appellent, se répondent ;
Sur nos fronts, sous nos pieds le fer luit, les feux grondent,
Et du rapide obus les livides clartés
Nous montrent nos bourreaux fondant de tous côtés.
Déjà, sous le tranchant du sanglant cimeterre,
Nos premiers rangs atteints roulent, jonchent la terre ;
Par un étroit sentier de noirs rochers couvert,
Un seul passage encore à la fuite est ouvert :
Les vierges, les vieillards, à la hâte s’y glissent ;
Leurs enfants dans les bras, les mères y gravissent ;
Et tandis que nos fils, nos frères, nos époux,
En disputent l’entrée en périssant pour nous,
D’un sommet escarpé qui pend sur un abîme,
Pour attendre la mort, nous atteignons la cime.
» C’était un tertre vert sur un pic suspendu :
L’Érymanthe à nos pieds, par un torrent fendu,
Découvrait tout à coup un gouffre vaste et sombre,
Dont l’œil épouvanté n’osait mesurer l’ombre ;
Des rochers s’y dressaient, sur leur base tremblants ;
Des troncs déracinés en hérissaient les flancs ;
Des vautours tournoyants, plongeant dans les ténèbres,
En frappaient les parois de leurs ailes funèbres ;
Et, dans le fond voilé du gouffre sans repos,
On entendait, sans voir, mugir, hurler des flots,