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Telle aux champs des combats la musique guerrière,
Ouvrant aux combattants la sanglante carrière,
Jusqu’aux bouches du bronze accompagne leurs pas,
Et mêle un air de fête aux horreurs du trépas,
Mais d’instants en instants, hélas ! tournant plus vite,
Le chœur se rétrécit, le chant se précipite,
Et le bruit de nos voix, que retranche le sort,
Décroît avec le nombre et meurt avec la mort !…
À coups plus répétés déjà l’abîme gronde,
Le cœur bat, le sol fuit, nos pas pressent la ronde ;
Chaque tour emportait une femme, une voix…
Et le cercle fatal tourna soixante fois !
Moi-même… Mais sans doute, en cet instant terrible,
Un ange me soutint sur son aile invisible,
Pour raconter au monde un sublime trépas
Qu’a vu ce siècle impie… et qu’il ne croira pas ! »


XXIX


Elle ne parle plus, la foule écoute encore.
Un nuage d’encens s’enflamme et s’évapore,
Et sur chaque cercueil, qu’il transforme en autels,
Fume comme le sang des martyrs immortels ;
Le bronze des combats retentit sur leur cendre.
Mais déjà l’étranger est trop loin pour l’entendre :
Évoquant de ces lieux le génie exilé,
Il s’élance, il franchit les hauteurs de Phylé.
Phylé, champs immortels où le vengeur d’Athène,
Brisant les trente anneaux d’une sanglante chaîne,
Sur l’autel de Minerve, à côté de Solon,
De sa fumante épée osa graver un nom,