Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/145

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Et, penchant son beau front profané par le deuil,
Ressemble en sa douleur à l’ange du cercueil,
Qui, noyant dans ses pleurs sa torche évanouie,
Regarde palpiter la flamme de la vie.
Ainsi mourait Harold, et son œil abattu
Ne voyait en s’ouvrant qu’innocente et vertu,
Sur ce seuil où son âme, au terme de sa route,
N’allait porter, hélas ! que remords et que doute.

Mais déjà son regard ne voit plus ici-bas
Que ces songes sanglants précurseurs du trépas ;
Il écoute : il entend des bruits, des cris de guerre ;
Il croit compter les coups de son lointain tonnerre.
Le canon gronde… Allons, mes armes ! mon coursier !
Que ma main fasse encore étinceler l’acier !
Que mon dernier soupir rachète des esclaves !
Que mon sang fume au moins sur la terre des braves ! »
Il dit ; et, succombant à ce dernier effort,
Se soulève un moment, puis retombe, et s’endort.
Mais, dans le long délire où ce sommeil le plonge,
Harold rêvait encor ; sublime et dernier songe !
Jamais rêve, glaçant l’esprit épouvanté,
Ne toucha de plus près l’horrible vérité !…


XLV


Délivré de ces maux dont la mort nous délivre,
Harold à son trépas s’étonnait de survivre,
Et, de son corps flétri traînant les vils lambeaux,
S’avançait au hasard dans l’ombre des tombeaux.