« Oui, le premier salut de l’homme à la lumière,
Quand le rayon doré vient baiser sa paupière,
L’accent de ce qu’on aime à la lyre mêlé,
Le parfum fugitif de la coupe exhalé,
La saveur du baiser, quand de sa lèvre errante
L’amant cherche, la nuit, les lèvres de l’amante,
Sont moins doux à nos sens que le premier transport
De l’homme vertueux affranchi par la mort ;
Et pendant qu’ici-bas sa cendre est recueillie,
Emporté par sa course, en fuyant il oublie
De dire même au monde un éternel adieu :
Ce monde évanoui disparaît devant Dieu !
» — Mais quoi ! suffit-il donc de mourir pour revivre ?
— Non : il faut que des sens notre âme se délivre,
De ses penchants mortels triomphe avec effort ;
Que notre vie enfin soit une longue mort !
La vie est le combat, la mort est la victoire,
Et la terre est pour nous l’autel expiatoire
Où l’homme, de ses sens sur le seuil dépouillé,
Doit jeter dans les feux son vêtement souillé,
Avant d’aller offrir sur un autel propice
De sa vie, au Dieu pur, l’aussi pur sacrifice !
» Ils iront d’un seul trait, du tombeau dans les cieux,
Joindre, où la mort n’est plus, les héros et les dieux,
Ceux qui, vainqueurs des sens pendant leur courte vie,
Ont soumis à l’esprit la matière asservie,