Que la vague, en frappant le marbre du Pirée,
Jette avec son écume une voix éplorée !
Les dieux l’ont rappelé ! ne le savez-vous pas ?…
Mais ses amis en deuil, où portent-ils leurs pas ?
Voilà Platon, Cébès, ses enfants et sa femme !
Voilà son cher Phédon, cet enfant de son âme !
Ils vont d’un pas furtif, aux lueurs de Phœbé,
Pleurer sur un cercueil aux regards dérobé,
Et, penchés sur mon urne, ils paraissent attendre
Que la voix qu’ils aimaient sorte encor de ma cendre.
Oui, je vais vous parler, amis, comme autrefois,
Quand penchés sur mon lit vous aspiriez ma voix !…
Mais que ce temps est loin ! et qu’une courte absence
Entre eux et moi, grands dieux, a jeté de distance !
Vous qui cherchez si loin la trace de mes pas,
Levez les yeux, voyez !… Ils ne m’entendent pas !
Pourquoi ce deuil ? pourquoi ces pleurs dont tu t’inondes ?
Épargne au moins, Myrto, tes longues tresses blondes[1] ;
Tourne vers moi tes yeux de larmes essuyés !
Myrto, Platon, Cébès, amis !… si vous saviez !…
» Oracles, taisez-vous ! tombez, voix du Portique !
Fuyez, vaines lueurs de la sagesse antique !
Nuages colorés d’une fausse clarté,
Évanouissez-vous devant la vérité !
D’un hymen ineffable elle est prête d’éclore ;
Attendez… Un, deux, trois…, quatre siècles encore,
Et ses rayons divins qui partent des déserts
D’un éclat immortel rempliront l’univers !
- ↑ Socrate eut deux femmes, Xantippe et Myrto.