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HARMONIES POÉTIQUES


L’enfant dont la mort cruelle
Vient de vider le berceau,
Qui tomba de la mamelle
Au lit glacé du tombeau ;
Tous ceux enfin dont la vie,
Un jour ou l’autre ravie,
Emporte une part de nous,
Murmurent sous la poussière :
« Vous qui voyez la lumière,
De nous vous souvenez-vous ? »


Ah ! vous pleurer est le bonheur suprême,
Mânes chéris, de quiconque a des pleurs !
Vous oublier, c’est s’oublier soi-même :
N’êtes-vous pas un débris de nos cœurs ?

En avançant dans notre obscur voyage,
Du doux passé l’horizon est plus beau ;
En deux moitiés notre âme se partage,
Et la meilleure appartient au tombeau !

Dieu de pardon ! leur Dieu ! Dieu de leurs pères !
Toi que leur bouche a si souvent nommé,
Entends pour eux les larmes de leurs frères !
Prions pour eux, nous qu’ils ont tant aimé !

Ils t’ont prié pendant leur courte vie,
Ils ont souri quand tu les as frappés !
Ils ont crié : « Que ta main soit bénie ! »
Dieu, tout espoir, les aurais-tu trompés ?