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HARMONIES POÉTIQUES


Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise
Défaillait dans la voile, immobile et sans voix,
Et les ombres couraient, et sous leur teinte grise
Tout sur le ciel et l’eau s’effaçait à la fois ;

Et dans mon âme, aussi pâlissant à mesure,
Tous les bruits d’ici-bas tombaient avec le jour,
Et quelque chose en moi, comme dans la nature,
Pleurait, priait, souffrait, bénissait tour à tour !

Et, vers l’occident seul, une porte éclatante
Laissait voir la lumière à flots d’or ondoyer,
Et la nue empourprée imitait une tente
Qui voile sans l’éteindre un immense foyer ;

Et les ombres, les vents, et les flots de l’abîme,
Vers cette arche de feu tout paraissait courir,
Comme si la nature et tout ce qui l’anime
En perdant la lumière avait craint de mourir !

La poussière du soir y volait de la terre,
L’écume à blancs flocons sur la vague y flottait ;
Et mon regard long, triste, errant, involontaire,
Les suivait, et de pleurs sans chagrin s’humectait.

Et tout disparaissait ; et mon âme oppressée
Restait vide, et pareille à l’horizon couvert ;
Et puis il s’élevait une seule pensée,
Comme une pyramide au milieu du désert.