Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/479

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Nous offraient ces trésors de l’humaine sagesse
Où nos yeux altérés puisaient jusqu’à l’ivresse,
Où la lampe avec nous veillant jusqu’au matin
Nous guidait au hasard, comme un phare incertain,
De volume en volume ; hélas ! croyant encore
Que le livre savait ce que l’auteur ignore,
Et que la vérité, trésor mystérieux,
Pouvait être cherchée ailleurs que dans les cieux !
Scènes de notre enfance après quinze ans rêvées,
Au plus pur de mon cœur impressions gravées,
Lieux, noms, demeure, et vous, aimables habitants,
Je vous revois encore après un si long temps,
Aussi présents à l’œil que le sont des rivages
À l’onde dont les cours reflètent les images,
Aussi frais, aussi doux que si jamais les pleurs
N’en avaient dans mes yeux altéré les couleurs ;
Et vos riants tableaux sont à mon âme aimante
Ce qu’au navigateur battu par la tourmente
Sont les songes dorés qui lui montrent de loin
Le rivage chéri de son bonheur témoin,
L’ondoyante moisson que sa main a semée,
Et du toit paternel le seuil ou la fumée.

Tu n’as donc pas quitté ce port de ton bonheur
Ce soleil du matin qui réjouit ton cœur,
Comme un arbre au rocher fixé par sa racine,
Te retrouve toujours sur la même colline ;
Nul adieu n’attrista le seuil de ta maison ;
Jamais, jamais tes yeux n’ont changé d’horizon ;
L’arbre de ton aïeul, l’arbre qui t’a vu naître
N’a jamais reverdi sans ombrager son maître ;
Jamais le voyageur, en voyant du chemin
Ta demeure fermée aux rayons du matin,