Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/482

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Et pour se revêtir de la lueur divine,
Il n’a qu’à faire un pas sur la sombre colline :
Il s’avance, l’œil fixe et les bras entr’ouverts ;
Et le globe de feu suspendu dans les airs,
Comme pour prolonger sa crédule espérance,
À hauteur de la main un moment se balance.
Il monte ; mais déjà dans l’azur étoilé,
Quand il touche au sommet, l’astre s’est envolé,
Et, fuyant dans le ciel de nuage en nuage,
Est aussi loin déjà des monts que de la plage.
Confus de son erreur, il revient sur ses pas !
Et les fils du hameau qui sont restés en bas,
Occupés à choisir des fleurs au sein des plaines,
Ou des cailloux polis dans le lit des fontaines,
Sans songer à cet astre objet de ses regrets,
Au fond de la vallée en étaient aussi près !…

Mais quand ce feu céleste éblouirait ton âme,
Quand tu le poursuivrais sur un désir de flamme,
Dans ces vieux jours du monde avares de vertu,
Cette gloire rêvée, où la trouverais-tu ?
Crois-tu que ce reflet de la splendeur suprême,
Cette immortalité qui sort de la mort même,
Soit ce mot profané qui passe tour à tour
Du grand homme d’hier au grand homme du jour,
Monnaie au coin banal qu’un jour frappe, un jour use,
Que la vanité paye à l’orgueil qu’elle abuse ?
Crois-tu que chaque siècle en ait reçu d’en haut
Toujours la même soif avec le même lot ;
Et qu’enfin l’avenir, acceptant l’héritage,
Ratifie à jamais ce risible partage
Que les sots, éblouis des splendeurs de leur temps,
En font de siècle en siècle entre tous leurs enfants ?