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AVERTISSEMENT.

donné à la pensée humaine, la raison divinisée : la métaphysique et la poésie sont donc sœurs, ou plutôt ne sont qu’une ; l’une étant le beau idéal dans la pensée, l’autre le beau idéal dans l’expression. Pourquoi les séparer ? pourquoi dessécher l’une et avilir l’autre ? L’homme a-t-il trop de ses dons célestes pour s’en dépouiller à plaisir ? a-t-il peur de donner trop d’énergie à son âme en réunissant ces deux puissances ? Hélas ! il retombera toujours assez tôt dans les formes et dans les pensées vulgaires ! La sublime philosophie, la poésie digne d’elle, ne sont que des révélations rapides qui viennent interrompre trop rarement la triste monotonie des siècles : ce qui est beau dans tous les genres n’est pas de tous les jours ici-bas ; c’est un éclair de cet autre monde où l’âme s’élève quelquefois, mais où elle ne séjourne pas.

Ces réflexions nous semblent propres à excuser du moins l’auteur de ce fragment, d’avoir tenté de fondre ensemble la poésie et la métaphysique de ces belles doctrine du sage des sages. Quoique ce morceau porte le nom de Socrate, on y sent cependant déjà une philosophie plus avancée, et comme un avant-goût du christianisme près d’éclore : si un homme méritait sans doute qu’on lui en supposât d’avance les sublimes inspirations, cet homme était Socrate.

Il avait combattu toute sa vie cet empire des sens que le Christ venait renverser ; sa philosophie était toute religieuse ; elle était humble, car il la sentait inspirée ; elle était douce, elle était tolérante, elle était résignée ; elle avait deviné l’unité de Dieu, l’immortalité de l’âme, plus encore, s’il faut en croire les commentateurs de Platon et quelques mots étranges échappés de ces deux bouches sublimes. L’homme était allé jusqu’où l’homme pouvait aller ; il fallait une révélation pour lui faire franchir encore un pas