Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/512

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Contemple en soupirant les fêtes du hameau,
Et, dans ce peuple heureux ne comptant plus de frères,
Plus d’amante ou de sœur dans toutes ces bergères,
Met la main sur ses yeux, et demande un tombeau !

Cependant, du génie aimable privilége,
Ton front se couvre en vain de sa première neige ;
L’infortune et l’exil, et la mort et le temps,
Ont en vain décimé tes amis de vingt ans :
Séduits par tes écrits, enchaînés par ta grâce,
Des amis inconnus viennent briguer leur place ;
Ils renaîtront pour toi jusqu’à tes derniers jours.
Que dis-je ? Quand la mort, sous un vert mausolée,
Rendant un peu de terre à ton ombre exilée,
Couvrira de gazon le fils de la vallée,
Des amis ? ta mémoire en gardera toujours !
Ils y viendront pleurer et cette grâce attique,
Et cet accent naïf, tendre, mélancolique,
Qui sans les demander fait ruisseler nos pleurs ;
De leurs jeunes vertus tu nourriras la flamme ;
Et, se sentant meilleurs, ils diront : « C’est son âme
Qui de ses doux écrits a passé dans nos cœurs ! »

Mais quelle est, diras-tu, cette voix inconnue
Qui sous mon propre toit m’accueille et me salue ?
Aux rives de mon lac cet ami m’est-il né ?
A-t-il respiré l’air de ma tiède vallée,
Ou foulé sous ses pas l’herbe que j’ai foulée
Au pied du Nivolay[1], d’étoiles couronné ?

  1. Montagne de Savoie.