Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/55

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d’abord voyons si les âmes des morts sont dans les enfers ou si elles n’y sont pas. C’est une opinion bien ancienne[1] que les âmes, en quittant ce monde, vont dans les enfers, et que de là elles reviennent dans ce monde, et retournent à la vie après avoir passé par la mort. S’il en est ainsi, et que les hommes, après la mort, reviennent à la vie, il s’ensuit nécessairement que les âmes sont dans les enfers pendant cet intervalle ; car elles ne reviendraient pas au monde, si elles n’étaient plus : et c’en sera une preuve suffisante si nous voyons clairement que les vivants ne naissent que des morts ; car si cela n’est point, il faut chercher d’autres preuves.

» Fort bien, dit Cébès.

» Mais, reprit Socrate, pour s’assurer de cette vérité, il ne faut pas se contenter de l’examiner par rapport aux hommes, il faut aussi l’examiner par rapport aux animaux, aux plantes, et à tout ce qui naît ; car on verra par là que toutes les choses naissent de la même manière, c’est-à-dire de leurs contraires, lorsqu’elles en ont, comme le beau a pour contraire le laid, le juste a pour contraire l’injuste, et ainsi mille autres choses. Voyons donc si c’est une nécessité absolue que les choses qui ont leur contraire ne naissent que de ce contraire ; comme, par exemple, s’il faut de toute nécessité, quand une chose devient plus grande, qu’elle fût auparavant plus petite, pour acquérir ensuite cette grandeur.

» Sans doute.

» Et quand elle devient plus petite, s’il faut quelle fût plus grande auparavant, pour diminuer ensuite.

» Évidemment.

» Tout de même le plus fort vient du plus faible, le plus vite du plus lent.

» C’est une vérité sensible.

» Hé quoi ! reprit Socrate, quand une chose devient plus mauvaise, n’est-ce pas de ce qu’elle était meilleure ? et quand elle devient plus juste, n’est-ce pas de ce qu’elle était moins juste ?

» Sans difficulté, Socrate.

  1. Dogme pythagoricien, et même orphéique. (Olymp., ad Phœdon. — Voyez Orph. Frag. Hermann, p. 510.)