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plus étroits, à travers lesquels coule, comme dans des bassins, une quantité immense d’eau : des masses surprenantes de fleuves souterrains qui ne s’épuisent jamais ; des sources d’eaux froides et d’eaux chaudes : des fleuves de feu et d’autres de boue, les uns plus liquides, les autres plus épais, comme en Sicile ces torrents de boue et de feu qui précèdent la lave, et comme la lave elle-même. Ces lieux se remplissent de l’une ou de l’autre de ces matières, selon la direction qu’elles prennent chaque fois en se débordant. Ces masses énormes se meuvent en haut et en bas, comme un balancier placé dans l’intérieur de la terre. Voici à peu près comment ce mouvement s’opère : parmi les ouvertures de la terre, il en est une, la plus grande de toutes, qui passe tout au travers de la terre ; c’est celle dont parle Homère, quand il dit[1].


Bien loin, là où sous la terre est le plus profond abîme ;


et que lui-même ailleurs, et beaucoup d’autres, appellent le Tartare. C’est là que se rendent et c’est de là que sortent de nouveau tous les fleuves, qui prennent chacun le caractère et la ressemblance de la terre sur laquelle ils passent. La cause de ce mouvement en sens contraire, c’est que le liquide ne trouve là ni fond ni appui ; il s’agite suspendu, et bouillonne sens dessus dessous ; l’air et le vent font de même tout alentour, et suivent tous ses mouvements et lorsqu’il s’élève et lorsqu’il retombe ; et comme dans la respiration, où l’air entre et sort continuellement, de même ici l’air, emporté avec le liquide dans deux mouvements opposés, produit des vents terribles et merveilleux, en entrant et en sortant. Quand donc les eaux, s’élançant avec force, arrivent vers le lieu que nous appelons le lieu inférieur, elles forment des courants qui vont se rendre, à travers la terre, vers des lits des fleuves qu’ils rencontrent, et qu’ils remplissent comme avec une pompe. Lorsque les eaux abandonnent ces lieux et s’élancent vers les nôtres, elles les remplissent de la même manière ; de là elles se rendent, à travers des conduits souterrains, vers les différents lieux de la terre, selon que le passage leur est frayé, et forment les mers, les lacs, les fleuves et les fontaines ; puis s’enfonçant de nouveau sous la terre, et parcourant des espaces tantôt plus

  1. Iliade, liv. VIII, v. 14.