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NOTE ONZIÈME


(Page 37)



Cependant dans son sein son haleine oppressée…


Il s’assit sur son lit et n’eut pas le temps de nous dire grand’chose, car le serviteur des Onze entra presque en même temps ; et s’approchant de lui : « Socrate, dit-il, j’espère que je n’aurai pas à te faire le même reproche qu’aux autres. Dès que je viens les avertir, par l’ordre des magistrats, qu’il faut boire le poison, ils s’emportent contre moi et me maudissent ; mais pour toi, depuis que tu es ici, je t’ai toujours trouvé le plus courageux, le plus doux et le meilleur de ceux qui sont jamais venus dans cette prison ; et en ce moment je suis bien assuré que tu n’es pas fâché contre moi, mais contre ceux qui sont la cause de ton malheur, et que tu connais bien. Maintenant tu sais ce que je viens t’annoncer ; adieu, tâche de supporter avec résignation ce qui est inévitable. » En même temps il se détourna en fondant en larmes, et se retira. Socrate, le regardant, lui dit : « Et toi aussi reçois mes adieux ; je ferai ce que tu dis. » Et se tournant vers nous : « Voyez, nous dit-il, quelle honnêteté dans cet homme ! tout le temps que j’ai été ici, il m’est venu voir souvent et s’est entretenu avec moi : c’était le meilleur des hommes, et maintenant comme il me pleure de bon cœur ! Mais allons, Criton, obéissons-lui de bonne grâce, et qu’on m’apporte le poison s’il est broyé ; sinon, qu’il le broie lui-même. »