Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ses anneaux, ses colliers, ses parures chéries,
Mêlés avec les fleurs que la veille a flétries,
Jonchent le seuil du lit d’ambre, de perle et d’or,
Qu’un de ses bras pendants semble y chercher encor.


VII


La porte s’ouvre ; un homme, à pas comptés, s’avance.
Une lampe à la main, il s’arrête en silence :
Est-ce Harold ?… C’est bien lui ! Que le temps l’a changé !
Que son front, jeune encor, de jours semble chargé !
L’éclat dont son génie éclairait son visage
Luit toujours, mais, hélas ! c’est l’éclair dans l’orage ;
Et, plus que ce flambeau qui tremble dans sa main,
On croit voir vaciller son âme dans son sein.
Dans l’amère douceur d’un sourire farouche,
L’amour et le mépris se mêlent sur sa bouche ;
L’œil n’y peut du remords discerner la douleur ;
Mais on dirait, à voir sa mortelle pâleur,
Qu’une apparition vengeresse, éternelle,
Le glace à chaque instant d’une terreur nouvelle.
Immobile, il contemple, au chevet de ce lit,
Cette femme qui dort, et qu’un songe embellit.
Encore dans la fleur de son adolescence,
Ses traits ont tout d’un ange… excepté l’innocence ;
Ses yeux sont ombragés du voile de ses cils ;
Mais un pli qui se cache entre ses deux sourcils,
Trace que le sommeil n’a pas même effacée,
Montre que sur ce front quelque peine est passée.
Sa lèvre, où le sourire erre encore au hasard,
Glace le sentiment en charmant le regard ;