Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 2.djvu/99

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Ou, pèlerin armé, son bourdon à la main,
Laver ses pieds souillés dans les flots du Jourdain ?
Non : du sceptique Harold le doute est la doctrine ;
Le croissant ni la croix ne couvrent sa poitrine ;
Jupiter, Mahomet, héros, grands hommes, dieux,
(Ô Christ, pardonne-lui !) ne sont rien à ses yeux
Qu’un fantôme impuissant que l’erreur fait éclore,
Rêves plus ou moins purs qu’un vain délire adore,
Et dont par ses clartés la superbe raison,
Siècle après siècle, enfin délivre l’horizon.
Jamais, d’aucun autel ne baisant la poussière,
Sa bouche ne murmure une courte prière ;
Jamais, touchant du pied le parvis d’un saint lieu,
Sous aucun nom mortel il n’invoqua son dieu !
Le dieu qu’adore Harold est cet agent suprême,
Ce Pan mystérieux, insoluble problème,
Grand, borné, bon, mauvais, que ce vaste univers
Révèle à ses regards sous mille aspects divers ;
Être sans attributs, force sans providence,
Exerçant au hasard une aveugle puissance ;
Vrai Saturne, enfantant, dévorant tour à tour ;
Faisant le mal sans haine et le bien sans amour ;
N’ayant pour tout dessein qu’un éternel caprice ;
Ne commandant ni foi, ni loi, ni sacrifice ;
Livrant le faible au fort et le juste au trépas,
Et dont la raison dit : « Est-il ? ou n’est-il pas ? »


XI


Ses compagnons épars, groupés sur le navire,
Ne parlent point entre eux de foi ni de martyre,